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Choix d'œuvres

Atelier du 2e étage
Peinture

Les Chimères

Commencée vers 1880 cette grande peinture, à qui ses tonalités éteintes et son dessin raffiné donnent l’aspect d’une tapisserie médiévale, ne fut jamais achevée. Moreau la data de 1884, année de la mort de sa mère. Elle s’inspire, pour la composition, du Martyre des dix mille chrétiens au mont Ararat, de Vittore Carpaccio dont le peintre avait réalisé plusieurs études au Musée de l’Académie à Venise.

Son iconographie est complexe. Sous-titré Décaméron satanique, elle fait se côtoyer : « […] toutes les formes de la passion, de la fantaisie, du caprice chez la femme ». Les personnages sont le plus souvent accompagnés du monstre, de la chimère qu’a engendré leur imagination. On distingue au centre l’allégorie de la Luxure montée sur un bouc, et plus bas une figure énigmatique – Ève ? –  enlaçant un serpent à tête humaine. Sur la droite une femme – Europe ? – est assise sur le dos d’un taureau ailé, une autre, richement vêtue caressant la tête d’une licorne, semble sœur de cette Dame à la licorne figure centrale dans les six célèbres tentures du musée de Cluny tissées aux alentour de 1500. Une femme, demi nue, bâton en main, s’est arrêtée pour écouter la voix d’un ange ou plutôt la musique qu’il verse à son oreille à l’aide d’un instrument.

Les femmes ici rassemblées sont à divers stades de leur évolution spirituelle, les rochers escarpés, les montagnes symbolisent le chemin qu’elles ont encore à parcourir pour faire leur salut, obtenir le pardon de leurs fautes. La rédemption est symbolisée par une petite croix à peine visible au faîte d’une montagne : « Dernière étape de la vie, dernière épreuve régénératrice et bienfaisante, dernier refuge de l’Être qui a pu éviter ou vaincre, après les épreuves cruelles, le rêve chimérique, le rêve terrible de ruine, de douleur et de mort. »