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Choix d'œuvres

Atelier du 3e étage
Peinture

Jupiter et Sémélé

La première esquisse de cette peinture est datée de 1889, mais elle ne fut livrée à Léopold Goldschmidt, son commanditaire, qu’en 1895. Il en fit don au musée en 1903. Véritable synthèse de l’art de Gustave Moreau on peut la considérer comme son testament pictural.

Sémélé – fille d’Harmonie et de Cadmos le fondateur de Thèbes – est ici représentée foudroyée, anéantie par la vision de Jupiter transfiguré. C’est là la conséquence de l’attention portée aux paroles de la perfide Junon, épouse légitime du Dieu. Cette dernière, jalouse, ayant pris pour gagner la confiance de Sémélé les traits de sa nourrice Béroé, lui avait suggéré d’exiger de son amant cette métamorphose qu’elle savait être fatale à une simple mortelle.

Le personnage ailé se cachant les yeux est pour Moreau : « Le génie de l’amour terrestre, le génie au pied de bouc ». Mais il est parfois identifié à  Bacchus, fruit de l’union  tragique entre le dieu et  Sémélé. Ce dernier,  arraché du flanc maternel, aurait, selon le mythe, achevé sa maturation cousu dans la cuisse de son père. Autour du trône, dissimulés par les frondaisons, de nombreux personnages s’éveillent à une vie supraterrestre. Rompant avec la tradition iconographique, Moreau représente le dieu imberbe et en plaçant entre ses mains la lyre, attribut habituel d’Apollon ou d’Orphée, en fait un dieu poète.

A la base du trône, deux allégories : la Mort qui, venant d’accomplir son ouvrage, porte une épée ensanglantée, et la Douleur qui, couronnée d’épines à l’instar du Christ, tient un lys, symbole de pureté. Pour le peintre, elles « forment [la] base tragique de la vie humaine ». Près de ces deux figures on distingue d’une part l’Aigle aux ailes déployées, attribut de Jupiter ; d’autre part Pan, divinité aux pieds de bouc, sur les cuisses duquel s’agitent une multitude de petits êtres, tentant de se dégager de leurs liens.

Divinité tellurique, Pan établit la jonction entre le monde céleste et les enfers où règne Hécate, la Nuit. Elle apparaît au bas du tableau, la tête surmontée d’un croissant de lune. Près d’elle « s’entassent  la sombre phalange des monstres de l’Erèbe, des êtres hybrides […] qui doivent attendre encore la vie de lumière, les êtres de l’ombre et du mystère, les indéchiffrables énigmes des ténèbres ». Les deux sphinx, au bas du tableau, symbolisent le passé et l’avenir et sont les gardiens de ce troupeau infernal.

Partant de la partie inférieure de l’œuvre, il faut envisager son développement vertical comme constituant le parcours que doit effectuer l’âme vers des régions de plus en  plus spiritualisées.