Rome. Vue du Colisée

Gustave Moreau en Italie

Le 18 octobre 1857, Moreau part pour l'Italie, destination qu'il convoite depuis son double échec au concours pour le prix de Rome (en 1848 et 1849). Ce voyage est pour lui une véritable mission concernant le renouvellement de la peinture d'histoire de son époque, qu'il considère superficielle et sans envergure. Conscient de la nécessité de perfectionner ses capacités d'expression pour atteindre ce but, il décide de se retremper à la source de l'art du passé afin de s'emparer des moyens indispensables à rendre à la peinture d'histoire son contenu.

L'itinéraire italien choisi par le jeune peintre suit le parcours habituel du Grand Tour. Mais Moreau n'a nullement une attitude de touriste : chacune des villes visitées est pour lui l'étape d'une recherche artistique soigneusement programmée.

Rome, où il s'installe dès son arrivée, marque la rencontre avec la décoration à fresque de la Renaissance et avec les chefs-d'œuvre de l'Antiquité. À la Farnesine, il exécute une copie à la détrempe d'un détail des Noces d'Alexandre et Roxane de Sodoma. Cette étude, comme beaucoup d'autres réalisées en Italie, va constituer un répertoire de modèles auquel Moreau puisera tout au long de sa carrière.

Suivi par son compagnon de voyage, le peintre Frédéric de Courcy, il ne perd pas une minute de son temps. Après un séjour prolongé dans la Chapelle Sixtine, où il copie une partie de la voûte, il s'enferme dans l'Académie de Saint Luc. Il y exécute son morceau de bravoure : une copie à la détrempe sur carton du Putto de Raphaël, qui lui procure une offre d'achat de la part d'un Lord Anglais. Moreau préfère cependant ne pas se séparer du Putto qu'il appelle désormais son "enfant".

Après Saint-Luc, il s'arrête au Palais Borghèse, où il est attiré par les couleurs d'un tableau de Véronèse : Saint Antoine de Padoue prêchant aux poissons. Cet intérêt pour la couleur et les nuances lumineuses le pousse devant la Danaé du Corrège et le Portrait d'homme de Raphaël qu'il croit être de la main d'Holbein.

Une fois leurs séances dans les musées terminées, Moreau et de Courcy se rendent à "l'académie du soir" de la Villa Médicis qui offre un lieu d'étude privilégié et une occasion idéale de rencontre surtout pour les artistes non pensionnaires. Ils peuvent ainsi perfectionner leur technique et leur connaissance du corps humain puisque des modèles viennent poser pour eux, tous les jours de 19 h à 21 h 30, dans une des salles du rez-de-chaussée de la Villa. C'est ici que Moreau retrouve d'anciens camarades de l'atelier Picot comme Émile Lévy, et se lié d'amitié avec Élie Delaunay, Léon Bonnat et le jeune Edgar Degas.

Avec l'arrivée du printemps, Gustave s'éprend des beautés de Rome et de ses alentours. C'est à ce moment qu'il réalise de remarquables paysages à la sépia et à l'aquarelle.

Moreau reste dans la Ville éternelle jusqu'au début de l'été 1858.

Il se rend ensuite à Florence, où il se propose d'approfondir l'étude de la peinture à l'huile et du dessin. Toutefois, le premier tableau qui retient son attention est La Bataille de Cadore, considérée à l'époque comme une esquisse de Titien, dont il exécute une grande copie. Son intérêt pour l'œuvre du maître vénitien est confirmé par deux autres copies réalisées aux Offices d'après les portraits du duc et de la duchesse d'Urbino. Mais Gustave ne dédaigne pas pour autant les peintres florentins et il copie avec attention l'ange peint par Léonard de Vinci dans le Baptême du Christ de Verrocchio. Ses carnets se remplissent rapidement d'études d'après les maîtres toscans, des Primitifs aux Maniéristes.

Au mois d'août, Moreau est en route pour Lugano, à la rencontre de ses parents venus le rejoindre. Une fois réunis, ils s'arrêtent quelques jours à Milan, où l'artiste étudie à l'Ambrosiana les dessins de Léonard de Vinci et copie à l'aquarelle l'Adoration des Mages de Titien.

Le voyage continue vers Venise, où les Moreau s'installent en septembre. Gustave tombe complètement sous le charme des toiles de Carpaccio à l'Académie et à Saint Georges des Esclavons où il réalise une quantité impressionnante de copies d'après l'Histoire de sainte Ursule et le Cycle de Saint Georges. Avant Noël, il est de retour à Florence où Edgar Degas est impatient de le conduire devant le Printemps de Botticelli. Gustave lui préfère cependant la Naissance de Vénus d'après laquelle il exécute une petite copie. C'est probablement pendant ce second séjour qu'il se tourne vers l'art hollandais en copiant aux Offices le Portrait équestre de Charles V par Van Dyck et, au Palais Pitti, Le Portrait de Philippe IV à cheval de Velázquez.

Après un séjour de trois jours à Pise et à Sienne en compagnie de Degas, Moreau regagne Rome à la fin de mars 1859. Ici, il achève certains de ses travaux laissés en suspens lors de son premier séjour et réalise une grande copie d'après La Mort de Germanicus de Poussin, œuvre alors conservée au Palais Barberini.

En juillet, la famille Moreau s'embarque, non sans difficultés (la guerre pour l'unification d'Italie vient d'éclater) pour Naples, dernière étape de leur voyage italien. Le séjour napolitain permet à l'artiste de parfaire sa connaissance de l'antique en s'intéressant aux sculptures et aux peintures murales pompéiennes conservées au Museo Borbonico (aujourd'hui Museo Nazionale) qu'il copie à plusieurs reprises.

Le 21 septembre 1859, Moreau quitte définitivement l'Italie, dont il gardera le souvenir nostalgique tout au long de sa vie.

Luisa Capodieci, "Gustave Moreau. Souvenirs d'Italie", Paris, Somogy, 2002

 

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