Gustave Moreau. Ange voyageur, aquarelle et gouache sur papier, Cat. 441 © RMN-GP / René-Gabriel Ojéda |
Gustave Moreau participe tout au long de sa carrière à la résurrection de la période médiévale, très en vogue au XIXe siècle. En dehors des œuvres « médiévalisantes » bien connues de Moreau comme Les Chimères ou Les Licornes, le Moyen Âge traverse tout son art, depuis les peintures romantiques des années 1850 inspirées notamment par Shakespeare jusqu’à ses œuvres syncrétiques, ultimes travaux des années 1890. L’étude du processus créatif a été au cœur de cette exposition qui ambitionnait de valoriser les sources de l’univers médiéval du peintre. La présentation d’oeuvres de Gustave Moreau (peintures, aquarelles, dessins), dont certaines seront sorties des réserves pour l’occasion, en regard des photographies, des estampes, des livres et objets d’art (dont quelques prêts prestigieux du musée du Louvre et de la Bibliothèque Nationale de France) a permis de mettre en valeur les réinventions médiévales du peintre durant la seconde moitié du XIXe siècle. Dossier de presse |
Commissariat
Marie-Cécile Forest, conservatrice générale du patrimoine, directrice honoraire de l’établissement public du musée national Jean-Jacques Henner et du musée national Gustave Moreau
Emmanuelle Macé, chargée d'étude documentaire au musée Gustave Moreau
Lilie Fauriac, docteure en histoire de l'art
Scénographie
Hubert Le Gall, assisté de Laurie Cousseau
Le musée a proposé des visites guidées, des visites contées et des médiations étudiantes de l'exposition.
Pour redécouvrir...
- Les Chimères ou Décaméron satanique
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Commencée vers 1880, cette grande peinture ne fut jamais achevée. Moreau en interrompt la réalisation en 1884, année de la mort de sa mère. Ses tonalités éteintes et son dessin raffiné donnent l’aspect d’une tapisserie médiévale. Elle s’inspire, pour la composition, du Martyre des dix mille chrétiens au mont Ararat, de Vittore Carpaccio (1465-1525), dont le peintre avait réalisé plusieurs études au Musée de l’Académie à Venise.
Sous-titrée Décaméron satanique, elle fait se côtoyer « […] toutes les formes de la passion, de la fantaisie, du caprice chez la femme ». Les personnages sont le plus souvent accompagnés du monstre ou de la chimère que leur imagination a engendré.
Son iconographie est complexe. On distingue au centre l’allégorie de la Luxure montée sur un bouc, et plus bas une figure énigmatique – Ève ? – enlaçant un serpent à tête humaine. Sur la droite, une femme – Europe ? – est assise sur le dos d’un taureau ailé. Une autre, richement vêtue et caressant la tête d’une licorne, semble sœur de la Dame à la licorne, figure centrale de la célèbre tenture du musée de Cluny. Une femme, à demi nue, bâton en main, s’est arrêtée pour écouter la voix d’un ange, ou plutôt la musique qu’il verse à son oreille à l’aide d’un instrument.
Les femmes ici rassemblées sont à divers stades de leur évolution spirituelle. Les rochers escarpés, les montagnes symbolisent le chemin qu’elles ont encore à parcourir pour faire leur salut et obtenir le pardon de leurs fautes. La Rédemption est symbolisée par une petite croix à peine visible au faîte d’une montagne : « Dernière étape de la vie, dernière épreuve régénératrice et bienfaisante, dernier refuge de l’Être qui a pu éviter ou vaincre, après les épreuves cruelles, le rêve chimérique, le rêve terrible de ruine, de douleur et de mort. »
- Les Licornes
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« J’ai vu une des plus belles choses que j’aie jamais vue ! » voilà ce qu’écrivit le collectionneur Emile Straus, le 14 juillet 1887 au sortir de l’atelier de Gustave Moreau, où il venait de découvrir Les Licornes.
Le peintre refusa de se dessaisir de cette œuvre que lui avait commandée Edmond de Rothschild. Il lui substitua une aquarelle, d’un fini impeccable, David dansant devant l’Arche (non localisée). Il fut probablement froissé par les remarques du commanditaire souhaitant le voir en pousser plus avant l’exécution, ce à quoi il se refusa. Est-ce lui qui est visé dans cette note rageuse : « Assez de toutes ces réflexions critiques, de ces blâmes, de cette sévérité théorique, chez tous ces imbéciles dont l’intelligence en art, comme en tout, du reste, ne dépasse pas celle d’un concierge ou d’un charcutier. Quoiqu’ils pensent d’eux et quoi qu’ils fassent, ce ne sont que de sots » ?
Cette peinture s’inspire de la célèbre tenture de La Dame à la Licorne acquise par le musée de Cluny en 1882. Afin de parvenir à cette « richesse nécessaire », pilier de son esthétique, Moreau mêle des motifs ornementaux d’origine médiévale à d’autres inspirés de la Renaissance, n’hésitant pas à puiser dans des revues comme Le Magasin pittoresque.
Il en parle comme d' « une île enchantée avec une réunion de femmes, uniquement de femmes donnant le plus précieux prétexte à tous les motifs de plastique ».
On aperçoit au loin la nef qui mena ces princesses en cet étrange lieu. Deux d’entre elles enlacent des licornes qui restent impassibles. Ces animaux légendaires, réputés farouches, ne se laissaient dit-on approcher que par des vierges. Toutes les femmes sont ici richement parées, l’une tient en main un lys, symbole de pureté, et une précieuse épée effilée. Sur les vêtements d’une autre figurent, délicatement dessinés, des animaux fabuleux, des combats épiques dont celui de saint Georges et le dragon. Le calice sur le coin droit de l’œuvre – Le Graal ? – participe du climat de mystère qui y règne.
Moreau opère une singulière dissociation entre le dessin et les couleurs chatoyantes dont il use, obtenant des effets chromatiques et graphiques d’une rare subtilité. Il s’agit là d’une des créations parmi les plus séduisantes et sans doute des plus énigmatiques que nous ait légué le maître du Symbolisme.
Vues de la muséographie
- 1er étage
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Aux sources du Moyen Âge
Chronologie croisée
- 2e étage
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Le Moyen Âge retrouvé
Les Chimères, ode médiévale
Histoire, légende et politique
« Le Moyen Âge a donné sa note au romantisme »
« Une châtelaine du Moyen Âge »
- 3e étage
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Variations sur la licorne
Le « païen mystique » / « Cette sublime religion catholique »
Des saints emblématiques / Une cathédrale rêvée
Une vision syncrétique
© Musée Gustave Moreau / Jean-Yves Lacôte
Emmanuelle Macé et Lilie Fauriac, co-commissaires de l'exposition, sont intervenues au 12e Festival de l'Histoire de l'Art de Fontainebleau afin de présenter l'exposition.
En savoir plus
Parcours de visite
Livret jeune public
Catalogue de l'exposition
Gustave Moreau. Le Moyen Âge retrouvé
256 pages, 220 illustrations
Format : 24,5 x 28,5 cm
39 €
Coédition musée Gustave Moreau / Éditions El Viso
En vente à la librairie du musée