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Choix d'œuvres

Palier du 1er étage
Dessin

Œdipe et le Sphinx

« [Un] coup de tonnerre qui a éclaté en plein palais de l’Industrie » c’est en ces termes, dans le Journal du Loiret, que l’on parla d’Œdipe et le Sphinx (New York, Metropolitan Museum of Art), l’envoi de Gustave Moreau au Salon de 1864. Louée par des critiques aussi éminents que Théophile Gautier, Maxime du Camp, Paul de Saint-Victor, Jules-Antoine Castagnary (pourtant ardent défenseur du naturalisme) ; caricaturée par Daumier, Cham ou Alfred Grévin, cette œuvre fit beaucoup pour la notoriété de celui qui aspirait à rénover la peinture d’histoire à « faire un art épique qui ne soit pas un art d’école ». Elle fut acquise par un collectionneur prestigieux : le Prince Napoléon.

Ce grand carton dessiné au fusain et à la craie blanche, mis aux carreaux, constitue une étape dans sa réalisation mais en diffère. Ainsi, si les proportions d’Œdipe – le fils Jocaste et de Laïos, roi de Thèbes – et de la sphinge sont identiques, nombre de détails ont été omis : la lance tenue par le héros (dont on distingue néanmoins l’ombre projetée sur le biceps gauche), les oiseaux fuyant dans le défilé rocheux, la colonne surmontée d’un vase antique ainsi que le serpent qui se dresse à sa base et menace un papillon. Manquent également les fragments anatomiques, souvenir macabre des victimes du monstre, ajoutés au premier plan comme dans le tableau d’Ingres du Salon de 1827, Œdipe explique l’énigme du sphinx (Paris, musée du Louvre, R.F. 218), auquel on ne manqua pas de le comparer.

Moreau renouvelle ici notre vision du mythe antique. Cet affrontement dont Œdipe sortira vainqueur – les branches de laurier à ses pieds et dans sa main le laissent présager – est celui entre le bien et le mal, l’esprit et les forces matérielles, entre les deux sexes. Quant à cette énigme, comme le suggère Ernest Chesneau : « n’est pas l’énigme de la femme elle-même ? »