L'épisode de la Décollation de saint Jean-Baptiste est mentionné dans le Nouveau Testament par deux évangélistes, Matthieu (Mt XIV, 1-12) et Marc (Mc VI, 14-29). Emprisonné pour avoir dénoncé l’union d’Hérode Antipas avec Hérodiade, femme de son frère, Jean-Baptiste eut la tête tranchée sur la suggestion d’Hérodiade, avec la complicité de sa fille, Salomé. Cette dernière, au terme d’une danse, demanda à Hérode la tête du saint sur un plateau.
Gustave Moreau peint le moment où le bourreau s’apprête à lever son épée pour couper la tête de Jean-Baptiste. Ce dernier, au centre de la composition, se tient agenouillé dans une attitude de prière sur une estrade souillée du sang des précédentes victimes. Salomé attend, impassible, que l’exécution s’accomplisse. Cet épisode qui intéressa Moreau n’est pas détaillé dans les Evangiles mais dans « La Vie de saint Jean-Baptiste », extraite de La Légende Dorée de Jacques de Voragine.
Une petite étude préparatoire de la Décollation, mise au carreau (Des. 1727), comporte quelques différences avec l’œuvre finale. Le plat destiné à recevoir la tête de Jean-Baptiste n’est plus tenu par Salomé ; placé au pied de l’estrade, il permet d’équilibrer la composition pyramidale du tableau. Par ailleurs, les détails architecturaux présents sur le dessin ne sont plus que suggérés sur la toile dont le fond est traité dans des tonalités d’ocre et de brun. A droite, quelques marches descendant au cachot se laissent deviner ; à gauche, un anneau accroché au mur, servant à lier les détenus, permet de situer l’action dans une prison. Cet anneau est retrouvé dans une petite peinture, Salomé à la prison (Tokyo, musée national d’art occidental, P. 1959.196), première œuvre sur ce thème à sortir de l’atelier en 1872. Au début des années 1870, Gustave Moreau traita le sujet sous divers angles ou à différents moments du récit. Une autre peinture exposée dans la salle E du musée, également intitulée Décollation de Saint Jean-Baptiste (Cat. 789), met en présence les trois mêmes personnages une fois le forfait accompli.
Gustave Moreau connaissait probablement la Salomé d’Henri Regnault (New York, The Metropolitan Museum of Art), œuvre exposée au Salon de 1870, dont il paraît reprendre la position du bras de Salomé dans sa propre peinture. En proposant une scène réduite aux trois personnages principaux, Moreau semble également s’être inspiré de La Décollation de saint Jean-Baptiste de son ami Pierre Puvis de Chavannes (Birmingham, Barber Institute of Fine Arts), présentée aussi en 1870.
Selon Geneviève Lacambre, le thème de saint Jean-Baptiste et Salomé aurait été traité par Moreau en réaction aux évènements contemporains de la défaite de la guerre de 1870 et de la Commune. Après son projet abandonné de polyptyque la France vaincue, il se peut que le peintre ait songé à une composition non plus allégorique mais basée sur des épisodes bibliques suggérant la décadence des temps présents, comme le montrerait un dessin en frise (Des. 1705) - projet de polyptyque ou de prédelle - sur le thème de la mort de Jean-Baptiste, de Salomé et d’Hérode, souverain faible comme Napoléon III.