Riche en réminiscences de l’art de l’Antiquité et de la Renaissance, la peinture Hésiode et les Muses fut entreprise par Gustave Moreau peu de temps après son voyage en Italie. Des dessins préparatoires portant la date de 1860 (Des. 2968, 2970 et 2989) laissent supposer que la toile était alors en cours de réalisation.
Le personnage d’Hésiode, poète grec du VIIIe siècle, était bien connu de Gustave Moreau surtout à travers les gravures de John Flaxman pour la Théogonie qu’il avait pu consulter dès son enfance dans la bibliothèque de son père. Le moment représenté ici est celui de la vocation poétique d’Hésiode, décrite dans le prélude de la Théogonie. Les neuf muses révèlent au poète berger les mystères divins et lui font cadeau d’un rameau d’olivier. Hésiode, coiffé d’un capuchon et tenant le bâton pastoral, semble recevoir un présent d’une muse agenouillée devant lui, tandis qu’une autre le couronne en présence du cygne sacré d’Apollon. Ce cadeau – une branche d’olivier - non représenté ici est visible dans une variante exposée au deuxième étage (Cat. 28), sans doute commencée dans les mêmes années et agrandie à la fin de 1882, dans laquelle Moreau ajoute Pégase et une végétation luxuriante entourant le groupe de personnages. Dans un commentaire rédigé à la fin de sa vie sur Hésiode et les Muses, le peintre explique : « Entouré des sœurs vierges, voletant légères autour de lui, murmurant les mots mystérieux, lui révélant les arcanes sacrés de la nature, le jeune pâtre <le pâtre enfant> étonné, ravi, sourit émerveillé, s’ouvrant à la vie toute entière./Néophyte sacré, il écoute ces leçons d’en haut mêlées de caresses et d’enchantements. Tandis que la nature, toute dans son printemps, s’éveille aussi et sourit à son chantre futur. /Les cygnes s’ébattent amoureusement, les fleurs s’ouvrent et s’animent, tout semble naître, tout s’éveille à l’amour divin, à ce contact de jeunesse, d’allégresse et d’amour. »
Les souvenirs de la peinture de la Renaissance italienne sont évidents et l’on pense à Léonard de Vinci ou à Bernardino Luini pour la sveltesse des figures. Ces corps graciles ne sont pas sans rappeler ceux de la première version des Petites filles spartiates provoquant des garçons (Londres, The National Gallery) peinte par Degas, vers 1860-1862, au retour d’Italie. Les deux artistes amis avaient étudié ensemble à Florence, en 1859, les mêmes œuvres notamment celles de Botticelli. Par ailleurs, Moreau traite cette toile en camaïeu d’ocre et de rose comme ses copies de peintures d’Herculanum et de Pompéi faites au Musée national (alors musée Borbonico) de Naples (Castor, Pollux et Jupiter en trône, Inv. 13639, 13637 et 13613).
Moreau ne considéra cette œuvre monochrome de format carré que comme une « grande ébauche » lorsqu’il décrivit, le 4 juin 1885, le contenu de son atelier comparativement à la version agrandie conservée au deuxième étage du musée (Cat. 28). Il semble bien qu’il ne l’ait jamais reprise par la suite. Il la fit cependant richement encadrer, preuve qu’il en était satisfait.